Rémy Bender & Mathieu Bernard-Reymond
APPARATUS
Vernissage le vendredi 10 mars 2023, dès 18h le vendredi 10 mars 2023 dès 18h00
Exposition du 10 mars au 2 avril 2023
Ouverture samedi & dimanche de 16h à 18h,
ou sur rendez-vous (+41 78 846 77 22 ou +41 76 571 70 62)
Dans son «Essai sur la nature et la culture», Vilém Flusser lançait, en 1979: «Qui sait si, lorsque nous contemplons la vache, nous ne sommes pas en train de contempler l’homme du futur?»¹.
«Non mais allô quoi?», voilà ce qu’on pourrait lui retourner tant est difficile l’exploit de nous envisager dans notre condition propre de simple rouage dans un appareil. Pour Flusser, aucune critique de la photographie n’est possible sans celle du dispositif de production des images. Chaque appareil photographique – produit de ce qu’il appelle le complexe militaro-industriel – agit méticuleusement sur son utilisateur·trice par l’entremise d’un programme qui ne fait que proposer un éventail prédéfini de choix ou d’options.
Ce système mécaniste intègre le photographe à son projet d’in-formation du monde comme il le ferait d’un rouage particulièrement habile.
Chacun à leur manière, Rémy Bender et Mathieu Bernard-Reymond cherchent à s’émanciper d’un mode de production des images, et s’attellent au démontage d’une machine bien huilée, celle du photographique. Ils questionnent et détournent les outils du regard. Chacun bricole un processus d’observation qui devient le prisme personnalisé de leurs recherches, qu’il s’agisse d’une quête de paysage ou d’une mémoire oubliée.
Pour obtenir l’image d’une vache qui serait peut-être celle de l’homme du futur, ces deux artistes inventent des processus de capture ou de génération d’images qui incluent le hasard ou l’accident, afin de perturber nos préconceptions. Mathieu Bernard-Reymond se sert des anciennes et nouvelles technologies de l’IA et Rémy Bender revisite les principes fondateurs de la caméra analogique. Ils tracent un chemin dont la force subversive est la source de cette poétique qui est la leur.
1. Vilém Flusser, Essais sur la nature et la culture,
Circé, 2005, p. 44, 45 et 47; trad. par Georges Durand
Rémy Bender
Caméras à vent
Comment transformer notre perception d’un paysage? Comment un environnement pourrait-il participer à sa propre représentation? Dans cette tentative de changement de géométrie, le projet Caméras à vent consiste à développer des outils de création d’images, destinés à être mis en œuvre dans et avec un environnement et les conditions particulières qui l’animent, comme la lumière ou les mouvements de l’air.
Détournant les principes établis de la chambre photographique, Rémy Bender construit des appareils de prises de vue capables d’intégrer des facteurs supplémentaires aux simples critères visuels, comme par exemples, les effets du vent, à l’aide d’une girouette couplée au système de déroulement du film.
Ses outils empiriques et fragiles produisent les images d’un milieu. Ils enregistrent un territoire fluctuant et en restituent des fragments visuels issus de la combinaison de l’optique et du mouvement.
Par ce mode de captation bâtard, Rémy Bender transfigure les représentations académiques issues de la perspective centrale. Les résultats obtenus donnent ainsi à voir un paysage devenu la matière de sa propre abstraction.
Mathieu Bernard-Reymond
I think I’ve forgotten this before.
«Tous mes souvenirs sont des images, d’une manière ou d’une autre. Mais souvent, ce sont des images très incomplètes, ou carrément déficientes. Ce sont des étincelles vives, et souvent agréables, mais avec un manque.
Tout est plutôt de l’ordre de l’émotion et du langage, je peux en parler, mais je ne peux presque rien en faire d’autre, alors que justement, ça attend quand même un peu qu’on en fasse quelque chose.
Voilà que maintenant, on peut utiliser du langage pour faire une image, avec une machine. Ce n'est pas «automatique», c’est du boulot, mais quel pouvoir d'évocation ! À force de feedbacks, de sélections et de corrections, je crois que j'arrive à passer d’une intuition un peu passive et vouée à l’échec à un mouvement constructif et positif.
Les images résultantes finissent quand-même toujours par rater leur cible: bien entendu, ce n’est pas le souvenir recherché, ce n’est pas l’image exacte que j’avais en tête et qui se retrouve là, sur le papier. Mais quand-même, il y a des images maintenant.»
Biographies
Rémy Bender (1988, CH/FR) est un artiste visuel qui vit et travaille en Valais dans l’atelier transdisciplinaire Les Affluents. Il s’est formé en graphisme à l’EDHEA (Sierre, CH), puis a étudié l’illustration à l’ERG (Bruxelles, BE) et à l’E[AD] (Valparaiso, CL). Il a récemment terminé son master en arts visuels au sein du work.master – pratiques artistiques contemporaines à la HEAD (Genève, CH).
Son travail s’articule autour de la fabrication d’images en mouvement à partir d’outils analogiques expérimentaux. Parallèlement à sa pratique, il collabore en duo avec le plasticien sonore Basile Richon, enseigne à l’EDHEA et est membre du Collectif Facteur récemment récompensé par le prix culturel d’encouragement de l’État du Valais.
Né à Gap en 1976, Mathieu Bernard- Reymond vit et travaille à Lausanne. Il s’est formé en photographie à l’École d’Arts Appliqués de Vevey et a étudié les sciences politiques à Grenoble. Lauréat de nombreux prix, son travail a été exposé dans des festivals, galeries et fondations en Europe, aux Etats-Unis et au Japon. Deux monographies lui sont consacrées: Vous êtes ici (Actes Sud, 2003) et TV (Hatje Cantz, 2008).